mardi 23 octobre 2007

L'homme aux fourneaux : une espèce en voie d'apparition

Dans Le Figaro du samedi 13 octobre 2007, 4 romanciers aussi fondus de littérature que mordus de cuisine nous offrent la recette de leur plat préféré. Ils sont tous photographiés dans leur cuisine. Un seul porte le tablier et c’est José Manuel Fajardo, journaliste et écrivain espagnol, auteur de nombreux essais et romans dont « L’eau à la bouche » aux éditions Métaillé. Il cuisine tous les soirs. Cette activité le relaxe et c’est paradoxalement un moment de concentration pour l’écriture. Pour lui, l’art de mélanger les ingrédients naturels est identique dans la cuisine et l’écriture. Il éprouve de la gratitude à voir ses amis déguster ses plats confectionnés car pour l’écriture, l’écrivain n’est jamais présent au moment de la dégustation de son travail. Il nous offre « un poulet à la bière » délicieux.

Hervé Le Tellier, prix Guanahani du roman d’amour 2007 pour « Je m’attache très facilement », éditions Mille et Une nuit nous présente sa « soupe aux fanes de radis ». Il a une passion pour les pâtes.

Jacques Pierre Amette, prix Goncourt 2003 pour « La maîtresse de Brecht » aux éditions Albin Michel adore régaler ses amis et nous propose « les moules brûles doigts aux deux poivres ».

Le dernier Yan Queffélec, prix Goncourt 1985 pour « Les noces Barbares » aux éditions Gallimard clame qu’il est né rôtisseur, avec le sens de cuisson de la viande, en nous proposant une recette de « Coquilles Saint Jacques du potager » et pas un rôti !!!

Il faut se rendre à l'évidence: l'homme aux fourneaux est une espèce en voie d'apparition, et pas seulement les écrivains. Les chiffres sont sans équivoque: selon une enquête réalisée par Ipsos pour le magazine Cuisine et Vins de France, 80% des hommes de moins de 35 ans disent «s'intéresser de plus en plus à la cuisine», soit plus que les femmes du même âge (78%). De récentes études menées par la marque Lesieur confirment cet engouement des jeunes hommes pour les fourneaux. L'été dernier, la marque a suivi et interrogé 25 couples de Français. Et le résultat est pour le moins surprenant: au sein des couples de moins de 33 ans, ce sont systématiquement les hommes qui cuisinent au quotidien! «Les femmes ne détiennent plus exclusivement le savoir-faire culinaire, car le modèle de transmission mère-fille est en panne depuis les années 1970. Ainsi, les hommes sont désormais décomplexés par rapport à leurs compagnes et conçoivent la cuisine comme une façon de peser sur le destin du couple.» Jean-Pierre Poulain, sociologue de l'alimentation, y perçoit pour sa part une autre tendance: «L'homme est de plus en plus soumis à un modèle d'esthétique corporelle. Faire la cuisine lui-même lui permet de “nutritionnaliser” son alimentation. C'est un moyen de reprendre le contrôle de sa vie au quotidien.» Du coup, le trentenaire mâle devient une cible de choix qu'on essaie d'appâter à toutes les sauces. La marque d'huiles alimentaires a mis en place un site Internet à l'humour potache (
www.lefaitmainrevient.com ) qui apprend le b.a.-ba de la cuisine (émincer un oignon, battre les œufs...), à grand renfort de clips vidéo, lesquels mettent en scène à 90% des hommes. L'édition est, elle aussi, bien décidée à faire mâle. Fini, les Bocuse en toque et veste blanche: aujourd'hui, l'icône indétrônable du livre de recettes nouvelle génération s'appelle Jamie Oliver et porte tee-shirt et jean baggy. Ce trentenaire originaire du Royaume-Uni est la vedette d'un sitcom culinaire à succès sur la BBC (diffusé également sur Cuisine.TV) et a déjà vendu en France plus de 100 000 exemplaires de ses livres. Outre-Manche, médias et sociologues lui prêtent le talent d'avoir éradiqué une tare nationale: la kitchen performance anxiety (angoisse de la performance culi-naire). Décrit par Kay Brennan, un psychologue renommé, ce complexe d'impuissance aux fourneaux touchait encore, il y a quelques années, 68% des hommes trentenaires. Avec Jamie Oliver, nombre de ces jeunes terrorisés à l'idée de casser un œuf auraient remis leur tablier !

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