lundi 25 février 2008

Commerce équitable : comment déterminer le « prix juste » à payer aux producteurs locaux ?


Les règles du commerce équitable exigent de garantir un prix minimum « juste » assorti d’une prime au développement. Max Havelaar, l’association qui définit les standards de ce commerce, a développé toute une méthodologie pour le calculer. Mais pour obtenir le label « équitable », il faut s’engager dans une relation à long terme avec des producteurs locaux et préfinancer à 60% les commandes.

Ce sont de belles règles difficilement applicables sur le terrain. Dans les Echos du vendredi 22 février 2008, Tristan Lecomte, fondateur et président d’Alter Eco, distributeur de produits équitables, parle de son expérience avec la production du beurre de karité avec une coopérative de femmes du Burkina Faso.

L’équipement qu’il avait découvert de la coopérative était très loin du standard industriel avec sa machine de concassage antédiluvienne, ses deux fours artisanaux, son minimum de laboratoire industriel. Comment alors déterminer le prix juste ? La seule solution pour Tristan Lecomte était de passer en revue tout le processus de production en posant un maximum de questions : comment est fabriqué le beurre de karité ? Combien de temps passent les femmes à cette tâche ? Combien vendent-elles leur production au marché ? En effet, la production de beurre de karité est un travail de longue haleine. D’abord, la cueillette : les femmes parcourent de très longues distances pour la récolte, puis ramener cette récolte vers le village de production. Il faut ensuite trier, dépulper, cuire, sécher, décortiquer, concasser, torréfier, malaxer, baratter, laver… tout ceci à la seule force des bras. En conclusion, environ trois jours sont nécessaires pour produire trois kilos de beurre.

Pour déterminer le prix minimum garanti, Tristan Lecomte se base alors sur le prix d’une journée pour les travaux agricoles. En gros, en raison d’une production d’un kilo par jour et sur la base d’un salaire de 2 à 3 dollars par jour (contre dans la pratique 1 à 1,5 dollars par jour), le prix minimum se situe donc entre 2 et 3 dollars le kilo. A titre de comparaison, les femmes burkinabées vendent le kilo de beurre 0.5€ sur le marché du village, 0.9€ aux fabricants de cosmétiques et 1.80€ à Alter Eco. C’est une situation classique dans ces pays en développement où une main d’œuvre mal organisée et analphabète vend localement ses productions au jour le jour à des tarifs inférieurs à la valeur de son travail, et pour l’exportation, à un tarif proche du minimum vital.

Dans un tel contexte, le commerce équitable est une véritable voie d’amélioration. Mais payer un salaire de base de 2 à 3 dollars par jour répond-t-il aux objectifs du commerce équitable censé amener une dynamique de développement, de structuration de petits producteurs en coopératives pour qu’ils apprennent à mieux de défendre ? Autre impératif, les produits équitables ne doivent pas être trop chers s’ils veulent être référencés dans les rayons des supermarchés occidentaux. Ainsi, chez Alter Eco, les prix de vente des produits équitables sont environ 10% plus chers que ceux du commerce conventionnel, mais plus bas que ceux des produits bios de luxe. Tout l’enjeu se situe donc entre ces deux écueils : un tarif d’achat trop faible pour aider les producteurs à sortir du sous-développement et un prix de vente trop élevé pour séduire les consommateurs occidentaux !

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