lundi 21 mai 2012

Domaine de Châteauvieux, Satigny

 
Situé au sommet d’une colline qui domine les vignes genevois, le domaine de Châteauvieux est juste à 30 minutes de Genève. Ici, vous êtes dans les fermages de l’ancien Château de Peney, détruit au XVIème siècle. Vous êtes surtout dans le royaume d’un des plus grands chefs de la Suisse : Philippe Chevrier. Son domaine fait parti de la collection exclusive des 500 meilleurs hôtels de charme et restaurants gastronomiques des Relais et Châteaux.  C’est à la table d’hôte située dans la cuisine que j’ai eu le privilège de déguster à sa gastronomie. Il paraît que c’est la table la plus courtisée du restaurant, et je comprends pourquoi. De là où vous êtes, vous êtes au cœur du travail du chef et de sa brigade, dans leur processus de création. Vous serez étonné par le calme durant le service. Chacun connaît son rôle et s’attèle à sa tâche à la précision d’une horloge suisse ! Son amour de la cuisine, Philippe Chevrier le doit à trois femmes : sa grand-mère, sa mère, sa tante…Elles lui ont surtout appris qu’au-delà de la cuisine, il y a un art de vivre, une convivialité. Après le déjeuner, j’ai ressentie la cuisine du chef comme une cuisine généreuse, sensible. L’excellence des meilleurs produits de tradition, du terroir, est mise en valeur par une belle maîtrise technique, une audace dans la créativité, une grande sensibilité esthétique. La table est cotée 2 étoiles au Michelin, un 19/20 au Gault et Millau, référencée dans les Grandes Tables du Monde.  Le chef est secondé par Damien Coche, cuisinier talentueux d'origine française.
Cette recherche de la perfection est visible dès les mises en bouche, devenues un incontournable des grandes tables. Dès leur arrivée, celles du domaine de Châteauvieux sont d’abord un plaisir pour les yeux. Elles se présentent comme un tableau, avec des notes de couleurs ici et là. La transparence de la vaisselle utilisée, très épurée, est très chic et donne de la noblesse aux créations du chef.
Fondant de homard et crème aigre
Bonbon de foie gras et gelée de mandarine à la menthe poivrée
Clam au pamplemousse rose aux endives
Accras de daurade royale et crevettes grises au jus de veau épicés
La dégustation se fait de gauche à droite, de manière crescendo en termes de saveurs. Chaque bouchée prépare le palais à la suivante. Sur les textures, on commence par le fondant : par la saveur subtile d’un homard, soulignée d’un trait aigre de la crème, puis par la saveur parfumée d’un foie gras, délicieusement mise en valeur par le goût de la mandarine, à peine mentholé. On poursuit par du croquant (clam, endives), enrobé d’une crème à la pamplemousse avant de finir par du croustillant. L’accras seul est déjà très goûteux. Le jus de veau épicé permet à chacun de pousser le curseur du goût épicé d’un accras, à son rythme et à son goût.
Une Soupe de petits pois et escargots petits gris, croustillant à la mousse de verveine, servie chaude clôture les amuses bouches. Tout dans cette composition est délicat : fragilité du croustillant du cornet / mousse très aérienne de la verveine, telle une caresse sur la langue / mousse à la saveur de petits pois, dont la saveur trouve un écho parfait à la verveine.
Grosse langoustine de Norvège cuite à la plancha, Fricassé de morilles et asperges de Cavaillon, Emulsion des carapaces à l’estragon
C’est la première fois que je déguste à une grosse langoustine de Norvège. Sa taille est deux fois plus longue et deux fois plus large que sa cousine française. Sa chair très parfumée révèle toutes sa saveur d’iode juste cuite à la plancha, rehaussé par les goûts des morilles et asperge. L’émulsion des carapaces à l’estragon (à peine perceptible mais saveur suffisante) fédère tous les sucs en bouche.
Aile de raie bouclée poêlée, mousseline d’artichauts aux pieds de cochon, Jus de poulette au vieux vinaigre balsamique.
L’aile de raie, habituellement sans personnalité, est sublimée par la sauce qui l’accompagne. Elle est posée sur une délicieuse mousseline d’artichauts entourée d’une couronne d’anneaux de calamars. Ce mets m’offre un vrai plaisir des saveurs et des textures.
Côte de cochon ibérique poêlée, chutney de pommes, Atriaux aux fruits secs, Jus aux oignons et gingembre.
Nous sommes dans une recette sucrée salée, avec une sauce faite d’une vraie gastrique. La côte de cochon est servie juste rosé, présentée puis découpée par le maître d’hôtel. C’est un vrai plaisir d’assister à l’art de la découpe, tellement rare de nos jours. Elle est servie avec une purée de pomme de terre, très riche en crème et en beurre.
Fromages frais affinés
Le chariot de fromages est impressionnant. Des fromages français et aussi des fromages suisses : vieux gruyère d’alpage, sanglée des Couardes, cru de Rougemont, affiné du Dezaley…Durant tout le déjeuner comme au moment du fromage, un impressionnant assortiment de pain est proposé. Un de mes préférés, en forme de fleurs, le pain à l’ail et aux tomates séchées.
Sorbet pomme grany Smith, meringue à la noix de coco, Emulsion au jasmin
Ce dessert arrive à point nommé pour rafraîchir le palais, avec un délicieux jeu de texture et de saveurs. Un crumble au fond de l’assiette, le sorbet par-dessus, surmonté de la meringue, puis recouverte d’une émulsion de jasmin. Un dessert léger.
Pure origine de Madagascar, note de citron main de Bouddha, Croustillant praliné à l’ancienne, Sorbet aux fruits de la passion
L’alliance de la puissance du goût du chocolat, marié à l’acidulé du fruit de la passion et du citron main de Bouddha. La construction graphique du dessert est du très beau travail.
De magnifiques Mignardises accompagnent le café.
Le déjeuner était accompagné d’une bouteille d’Arbois Chardonnay 1964, Emile Rousseau, extrait de la collection personnelle du Pierre Chevrier, frère du chef et célèbre antiquaire du vin. Ce vin présente une robe or profond, avec un nez très frais. Suave en bouche, il présente des notes de massepain, de pain grillé, de noisette, avec une bonne longueur en bouche.  
Dans la carte du restaurant, le chef Philippe Chevrier vous propose aussi des vins du terroir genevois issus de ses goûts, de ses envies, en accord avec la symphonie des saveurs des mets servis.
J’ai juste passé un moment d’exception à cette belle table, avec un chef jovial, accessible, toujours souriant. C’est cela peut être le naturel de l’hospitalité suisse ! Le respect des bons produits, le respect et l'amour du client !



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